3 juin 2020

Valeur durable de l'innovation

Vincent Chauvet, Eve Dallamaggiore et Sandra Mege, Membres de l'Association des Conseils en Innovation, vous présentent les enjeux et les apports de la valeur durable de l'innovation.

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L’innovation sert à améliorer l’existant ou créer un nouvel artefact : de ce point de vue, la valeur durable créée par l’innovation résulte du fait que son objet adresse les composantes durables du développement : économique, sociétal, et environnemental. En complément de la valeur économique de l’innovation (traitée par ailleurs), il est intéressant de se poser la question des valeurs sociétale et environnementale de l’innovation :

Par quels moyens la société bénéficie-t-elle de l’innovation ?

  • Via le marché, notamment visible lors des révolutions industrielles, celle en cours étant largement digitale mais également sociétale (économie collaborative, civic techs…)
  • Via les services publics, qui peuvent innover à la manière des acteurs privés, acquérir des solutions innovantes ou contribuer à les diffuser
  • Via l’éducation, les cursus étant mis à jour au gré des succès des innovations

Par quels moyens l’environnement bénéficie-t-il de l’innovation ?

  • Via les innovations ciblant des enjeux principalement environnementaux (enjeux climatiques et écosystémiques, économie circulaire, ville durable, etc.)
  • Via les innovations optimisant l’efficacité de procédés industriels en termes de ressources (matière, énergie, eau…) et d’externalités
  • Via les innovations qui améliorent la connaissance sur l’état de l’environnement et les interactions entre l’humain et la planète
  • Enfin, indépendamment de leur objet, via la réduction des externalités des solutions innovantes elles-mêmes -- par exemple, en influant sur la consommation (énergie, matières premières) liée au déploiement de technologies digitales, ou en adoptant des démarches d’éco-conception à tous les stades du processus d’innovation

L’innovation elle-même fait partie des Objectifs de Développement Durable de l’ONU, spécifiquement l’ODD n°9 (Industrie, Innovation et Infrastructure[1]), qui lie progrès technologique et développement : « Le progrès technologique est à la base des efforts entrepris pour atteindre les objectifs environnementaux, tels que l’utilisation optimale des ressources et de l’énergie. Sans la technologie et l’innovation, il n’y aura pas d’industrialisation, et sans industrialisation, il n’y aura pas de développement ».

L’innovation est par ailleurs un facteur clef de réalisation de la plupart des 17 ODD, en rendant économiquement viable des solutions permettant d’accélérer les transitions. Citons à titre d’exemple les nouvelles technologies dans les domaines de l’énergie (renouvelables, stockage, réseaux), de l’eau (potabilisation, valorisation), de l’agriculture (agrotech), ou encore la résilience urbaine (adaptation climatique, nouvelles mobilités…).

Prenons un point de vue global sur la situation sociétale mondiale : les conditions de vie s’améliorent constamment depuis environ la première révolution industrielle. Certes la situation actuelle est loin d’être satisfaisante (la pandémie de 2020 n’occulte que provisoirement les maux structurels de notre époque : urgence environnementale et climatique, persistance des inégalités sociales et économiques, migrations forcées, tensions géopolitiques, crise de confiance dans le politique, etc.), mais la société humaine peut toujours influencer son développement. Si l’on reprend l’analogie entre innovation et adaptation, il est indéniable que l’innovation nous permet de rendre notre développement plus durable dans le sens où elle nous permet soit d’améliorer l’état existant soit de créer un nouvel état.  

L’innovation est aussi sociale et politique.

A ce niveau, les types d’innovations sont très variés : innovation de modèle économique, innovation des politiques publiques, des modes de gouvernance, des modes de consommation, etc. La difficulté réside dans le fait de réussir à renoncer à des modèles voués à mener à des crises ou qui inhibent leur prévention ou leur résolution : le sujet climatique en est révélateur. Des nouvelles façons de faire sont donc à inventer, ainsi que de nouveaux partenariats et jeux d’acteurs. L’innovation devient organisationnelle, et sociétale aussi dans le sens où elle peut impliquer de faire évoluer la structure de la société.

Dans cette perspective d’adaptation, l’innovation est particulièrement utile comme outil réflexif : elle nous permet de considérer l’état actuel et de nous demander si et comment l’améliorer. Vient ensuite le processus de création de l’innovation requise, qui est d’autant facilité qu’il est conduit par des personnes expertes en la matière, qui adaptent les modes de pilotage de l’innovation à chaque situation.

Un exemple : le cas Danone, ou comment l’innovation sociale peut aider une multinationale à se réinventer

http://parisinnovationreview.com/article/innovation-sociale-le-cas-danone-benedicte-faivre-tavignot-2

Depuis le début des années 2000 l’entreprise a lancé des projets « social business » et « base de la pyramide » avec l’intention explicite d’en faire un levier de renouveau stratégique. Cette intention a marché : ces projets ont joué un rôle significatif dans le processus de renouveau stratégique du groupe.

Exemple : Grameen Danone Food Limited, joint-venture entre Danone et Grameen Group, a produit des innovations audacieuses dans les produits et les modes de fabrication, telles que Shokti doi (recette développée pour satisfaire les besoins nutritionnels des enfants -- un yaourt = 30% des besoins quotidiens en vitamine A, fer, zinc, et iode). Ou encore Lémateki, un social business ciblant l’amélioration de la nutrition des enfants sénégalais scolarisés.

Ces modèles sont de véritables laboratoires d’innovations de rupture, qui remettent en cause de manière radicale l’ensemble de la chaîne de valeur : produits, chaîne d’approvisionnement, mode de production, distribution, financement. Ils induisent une acquisition de nouveaux savoirs et compétences comme aide à la réflexion.

  • Capacité renouvelée de l’entreprise dans son ensemble à se centrer sur les besoins des consommateurs.
  • Nouvelle capacité en termes d’approvisionnement et de distribution, en particulier la livraison au dernier kilomètre
  • Nouvelles compétences organisationnelles et de gestion des connaissances

[1] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/infrastructure/